mercredi 21 juillet 2010

Hommage à Maurice Maeterlinck

Matinée du Jugement


Je suis dans la chair occulte du globe de l'épreuve sous la lune plus pâle encore depuis tant de siècles soufferts. Seuls actuellement, les végétaux cachent l'incarnation de la terre avec d'inouïs jaillissements sur l'infusion des sols et des gélatineux océans qui sentent le sang et la viande dans l'espace continuel où les arborescences accablées de membres sont déjà analogues aux ossements, les fleurs aux yeux éteints, les crânes aux fruits morts, et les feuilles et les tiges aux viscères et aux cartilages des hommes disparus. Et tandis que les étoiles obstruées des rêves des saints, et que la lune gonflée de charnures, éjaculent des herbes dans le sommeil de Dieu, le soleil saturé de songes et de péchés éteint définitivement leurs éruptions dans l'alcool épuisé des luxurieux désirs.
Je vois que l'aveuglement provisoire du temps n'a pas cessé même pour les morts. J'ai dans mon corps épars une seconde fois l'épouvante de Dieu ; et cependant j'ai déjà comparu, mais je suis toujours convalescent, car j'ai été trop malade de mon corps, bienheureux ceux qui n'en sont pas mort éternellement !  Je suis à l'intérieur et je n'ai plus rien à faire au-dehors ! la mort a ôté de mes yeux ces deux mains qu'elle tient sur les yeux des vivants, et j'ai eu l'affreuse angoisse du nouveau-né en voyant autour de moi l'univers éternel de mes pensées et de mes actions. Néanmoins je ne vois pas encore absolument et je ne suis pas encore partout. Il faut attendre la guérison et l'union du midi ; mais la justice immine et déjà les ténèbres l'attendent dans un silence essentiel. Les yeux émergent à la surface du monde pour la suprême vision. Je vis dans une horreur qui ne peut pas continuer ! vos anges vont s'enfuir, Seigneur on ne sait où ! vos saints même préféreront mourir, et vous épuiserez l'enfer ce midi ! (une cloche de l'hôpital sonne le repas des malades.) Où sont mes yeux d'autrefois ? Je suis immédiatement au-dessus de l'admiration et cependant je vois l'univers à travers des loupes absolues. Je puis les diriger comme une illumination sur la face même de Dieu ; le soleil se trouble quand je le regarde, maintenant nous voyons tous ainsi.
Je n'ai pas encore regardé autour de moi.
Ô l'universelle chair ! ouverture immense des tombeaux ! flavescentes incarnations de la mer ! émersion sanglante des continents ! sulfureuses éruptions d'ossements sur les villes ! ébullitions des cartilages houleux sur les eaux ! éclosions torrentielles de muscles ! effilochage violet des artères ! pêches bleues des seins noyés, dans le filet des veines ! efflorescence des muqueuses ! glauques effluences d'entrailles entre l'argent des chevelure ! étangs de graisses blanches où cligne une végétation de paupières anciennes ! transfigurations des îles ! rosâtres ondulations des montagnes ! marécages d'yeux nus multipliant la lune ! déluge de prunelles ! effusions noires de l'Afrique ! jets verts des races antédiluviennes ! dégorgements des végétaux ! émissions osseuses des glaces polaires ! lacustres vomissements des mammouths en des océans virides de peuples ! ascensions sous-marines de géants originels ! explosions poissonneuses des golfes ! lymphatiques confluences des astres ! éjaculations flaves et bleuissantes des cadavres sucés par la lune à travers les rouges spirales des évolutions de la chair pour la restitution des membres et l'éternelle moisson de l'universel ossuaire !
La terre s'agite dans un rayon d'épouvante. Dieu lui a mis comme autrefois à Saturne, le signe du Jugement, l'anneau vert des fiançailles de l'enfer, où sont éternisées les images des péchés commis depuis l'origine. J'y vois les miens, jusqu'à ceux qui étaient virtuels en mon cœur autour de la luxure intérieure, pendant qu'aux pôles de l'anneau c'est la déflagration inconcevable des crimes de Caïn et de Judas. Je mets mes mains sur mes yeux, mais je vois au travers, leurs œuvres d'autrefois. Je ne puis plus fermer mes yeux ! seuls les enfants s'éveillent en riant sur les larveuses ondulations et jouent dans le rayon bleu de la miséricorde éternelle. Mais les femmes ! les glauques spirales des mauvaises vierges et la zone pourpre des adultères autour de l'équateur ! où sont les pauvres secrets de vos corps pour lesquels nous avons tous péché dans nos cœurs ; vos seins aussi aigus que vos coudes, et vos hanches aussi douces que vos voix, dans ce lenticulaire épanouissement d'épouvantes ! D'éternelles noces s'accomplissent maintenant dans une vision cannibale, les premiers naissent des derniers selon les organes génitaux renversés de la mort, les membres des ancêtres jaillissent des corps de leurs enfants, des chairs anciennes sont disputées par des peuples de cadavres ; tous ont en leurs membres d'abominables lésions, les mâchoires de leurs descendances dans leurs crânes, des moissons sur leurs poitrines, des racines dans leurs entrailles, des mains de femmes dans leurs yeux, des doigts d'enfants dans leurs bouches, et l'humanité se soude et se fige en un globe ...

Maurice Maeterlinck, Les Visions Typhoïdes, 1887-1888

samedi 3 juillet 2010


Ha... ça vous la fout en ébullition ça.... ! Et on finira pas se sourire dans des coins, des croisades, des corps en lutte,... On s'souviendra à peine, et par la musique... c'est tout... De quoi bien crever tout ça. Ha... on s'demande... on comprend pas... on a jamais bien compris. On s'est dit qu'il n'y en avait qu'une de logique. On s'est retrouvé face à un tas... bien gras, bien sale, plein d'foutre et de gravier... un tas qui grince rien qu'à la vue... Ha et on s'demande... Erf... Il disait ça mon ami... Erf... Tout est dit... On cherche dans l'autre... le vice qui nous fera fuir... On oublie un peu qu'on fourre aussi... Mais nous c'est beau qu'on s'dit... à haute-voix pour y croire. Mais nous c'est beau... Quoi qu'on fourre c'est la même... Y'a qu'un prêtre qui pourrais m'juger... Un bon, un vrai, un naïf... Et c'est qu'il comprendrai ce con... une p'tite absolution gratuite... Erf... Tout est dit... P't-être un piano... Y'a qu'à la tromperie d'un piano qu'on s'sent face à soi... j'crois... où à l'autre... c'est pareil... Tous à poil, le cul en haut !
L'matin c'est sourd l'espoir, aveugle et mancho, c'est sincère et maladroit... et puis l'zenith... Et tout est dit...