lundi 26 octobre 2009

Heureux qui

Un oiseau volant
Tomba soudain, attaqué par un rapace.
Un homme vit comme de son corps
Trois goutes de sang tomber
Sur le sable des dunes de la ville.

L'homme regarda les goutes,
Belles, fraîches,
Et son esprit plongea
Dans de longues méditations.

Un avion croisa le ciel,
L'homme ne regardait que le sang.
Une explosion s'entendit à côté,
L'homme ne regardait que le sang
Même quand les cris des enfants
Sifflaient tout autour,
L'homme ne regardait que le sang.

Quand la bombe explosa devant lui
Il ne regardait que le sang
Avant de mourir.

C'est une petite leçon que je veux tirer de cette fable :
Heureux qui comme Perceval
Plonge dans la beauté et l'amour
De trois simples goutes de sang,
Pendant que des ruisseaux de cadavres
Longent toute sa vie.

O. Valvos

Je, puisque suis


D'la belle, marge ! au sens, courbe ! comme tu voudras

Tu t'assieds, tu t'admets, elles-est-seule-note-sans-arrêt, tu parcours, en marche ou non, tu parcours, elles est plus belle qu'elles, elles, t'admets, tu craches, tu gueules, tu dégueules, tu cours, t'Aristote, biologie, tu t'assieds, tu t'admets, elles s'émèche loin de là, tu tends, tu prends, tu rends. T'admets, tu t'admets, elles, mais toi.
T'admets, elles est simple, t'essais, complexifier, elles est trop simple, c'n'est pas elle. T'admets, 'parait qu'on a tous une histoire, t'admets, tu laisses aux autres, t'admets, n't'interesses qu'elle.
Elles, ont la senteur de la nuit avant
Que soit sang ces murs de soleil froid,
Et qu'en bas les reins d'un trottoir plaignent.

Deslogis


vendredi 16 octobre 2009

Arlequin et moi face à la mer

Arlequin et moi face à la mer, on regarde l'aller et venir de cet ayran sans lait. "Tu sens l'odeur de soufre ?" demanda (avec une inexplicable parcimonie) Arlequin. "Non - répondis-je - la mer ne sent rien".
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Arlequin regardait la mer
Et pensait en Sapin Bleu
Roi des palimpseste.
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Et moi, moi je m'en rappelle de la mer grise.
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"Vraiment, tu ne sens pas l'odeur de soufre ?" "Non, rien du tout".
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Arlequin pense en boxe
Et en opéra,
Et en pataphysique.
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Et moi, moi j'aperçois la mer noire.
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"Tu ne sens même pas l'odeur de sel ?" "Mais non, ça sent rien ici !"
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Et Arlequin pense
À un vase plein de folie.
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Et moi, moi je rêve à une mer blanche.
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"Et le blanc des vagues, tu le sens ?" "Non, le blanc des vagues je le vois."
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Et Arlequin pense
À la beauté apocalyptique.
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Et moi, moi je disparaît dans la pluie océanique.
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Et Arlequin s'en va, en dansant en riant (pour la première fois depuis longtemps), avec Sapin Bleu, la boxe, l'opéra, la pataphysique, la folie et l'apocalypse.
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Brave Arlequin, tu est un Dieu à présent.
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O. Valvos
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Le choix métaphorique est libre et personnel, il n'a pas besoin de se faire comprendre, mais seulement de faire comprendre

jeudi 15 octobre 2009

Palimpseste


La fille s'endormait,
J'en oublie le nom,
Sur ses lèvres en amont
Un coin d'espoir brulait.

Deslogis

vendredi 9 octobre 2009

L'art du sang

On entendit le premier son,
Beau, court, parfait, de la cloche
Qui donna à l'art
Le premier ton de la soirée.

Dans la salle, toute noire,
Les yeux du public
Se centrèrent sur la scène,
Et la musique commença.

Le premier coup alla directement sur le nez
Qui saigna sans arrêt possible.
Le deuxième coup fut sur le ventre
Et le dernier en fit le KO.

Les gens hurlèrent dans la salle
De joie, de vie,
Comme le choeur de Nabucco*,
Face au lutteur tombé par terre.


O. Valvos

mercredi 7 octobre 2009

mardi 6 octobre 2009

Hommage à Charles Van Lerberghe


Là soudain dans son ombre, et surnaturellement ainsi vêtu d'elle et du deuil de ses peines, immobile dans un rêve obstiné, l'anxieuse attitude et comme tremblant, à ce frêle seuil de vierge et d'effroi, d'effleurer le mystère et qu'il ne s'essore, craintif de ses yeux extasiés et de ses mains, avec un étrange et doux sourire, un adolescent se tenait, presque un enfant.



Charles Van Lerberghe, L'eau promise (extrait), 1890

dimanche 4 octobre 2009

Toi qui lis en marchant (promenade en ville I)

L'homme à la lecture impassible,
Se promène en haut et en bas de la rue.
De corps déformé, comme Fiodor ou Iggy,
Il suit à pas lents les mêmes traces qu'il fit demain.

Homme à deux moitiés,
L'une forte, soutien-livres,
L'autre faible, presque handicapé,
Qui le font bouger vers des phrases inachevées.

Vous le voyez, vous le surveillez,
Vous vous moquez même de son corps de lecteur.
(déformé et laid à sa façon)
Mais vous ne savez pas, qu'il vous emmerde, si profondément
Qu'il ne regarde que les lettres d'énormes bouquins
Et pas vos gueules de simples humains.

Il ne faut pas l'oublier, c'est l'homme à la lecture impassible.

O.Valvos