dimanche 13 septembre 2009

Mourir beau pour mieux s'en remettre


C’était l’hiver dans notre ville, il y neigeait plus qu’il n’y faisait froid. Je suis tout de même étonné de ne le voir habillé que d’un jean et d’une chemise blanche entrouverte et aux manches retournées rapidement qui donnaient l’impression d’éclater comme une fleur naissante. La cigarette qu’il refusait de laisser tomber donnait un sens à son apparence, c’était son excuse, sa fidèle. Il ne pensait qu’à ça, à lui et donc aux autres, sa constante. Il pensait à la nuit de laquelle il venait de sortir, à son sommeil qui l’oubliait, à cet alcool qu’il digérait et à cette femme aux lèvres sables dont il s’en frottait encore les siennes. Sa démarche matinale me surprend, la tête au sol mais le torse au ciel il écarte tant qu’il peut ses épaules. Je sais qu’il aime ses épaules, c’est la preuve impudique qu’il exhibe en tant qu’homme, c’est son sexe public. Il pensait encore à cette femme, il n’avait pourtant aucun sentiment, il y pensait en l’attente d’une pensée plus attrayante, mais il n’aime que celle-ci alors il y pensait en l’attente d’une autre femme. Sa forme blanche qui de loin se mêlait aux neiges en chute, serpentait les rues avec la mollesse de la cendre que l’homme assis au bar qu’il dépassait sacrifiait dans le fond humide de son café vide. Je l’observe d’ici. Il courrait presque maintenant. Il cherchait un but à sa promenade et je comprend qu’il marchait pour être aimé. Il ne savait pas comment être aimé. Il ne voulait pas savoir. Il voulait être aimé. Il voulait être aimé par plusieurs, l’amour d’un est trop fort et irremplaçable. Il voulait pourvoir, à sa guise, remplacer l’amour des autres, par d’autres amours ou par d’autres autres. Je l’observe pour l’aimer un peu. Son sang lui confère une beauté unique, celle du drame. Elle est petite, elle ne dépasse pas ses fameuses épaules, qu’elle aime par ailleurs. Son regard est celui du bonheur présent et du drame arrivant. Son regard fascine mes tremblement que le vent oblige. Il s’était arrêté, allongé au sol, prés de son sang. Sa chemise en est la première victime et je pense à elle et sa peau d’été sur laquelle on chute avec consentement. Je l’étreinte sur une plage d’hiver jusqu’à se perdre sous la poussière des mers. Il fermait, lentement, ses yeux puis son corps tout entier. Elle me dit adieux d’un baiser à jamais et d’une lame au ventre qui fait se lever mes paupières, elle fuit comme dans un cimetière et j’enlève la pointe d’argent qu’elle m’a laissé au corps. Je pense à ma chemise en prenant ces rues aux hasard que mes pas usent. J’allume une clope. Sa chemise avait la couleur de la mort.

Deslogis



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