samedi 20 février 2010

Hommage à Constantin Cavafy

L'avenir est tissu des ennuis d'hier

Et maintenant, que deviendrons-nous sans Barbares ? Ces gens là, c'était quand même une solution.

La ville te suivra. [...] Où que tu ailles, tu débarqueras dans cette même ville. Il n'existe pour toi ni bateau ni route qui puisse te conduire ailleurs. N'espère rien. Tu as gâché ta vie dans le monde entier, tout comme tu l'as gâché dans ce petit coin de terre.

Fortifié par la théorie et l'étude, je ne redouterai pas mes passions comme un lâche. Je livrerai mon corps aux plaisirs, aux jouissances rêvées, aux désirs amoureux les plus hardis, aux élans lascifs de mon sang. Et cela sans crainte aucune, car, lorsque je le voudrai (et fortifié comme je le suis par la théorie et l'étude, je ne manquerai pas de volonté), je retrouverai au moment critique mon ancien esprit d'ascétisme.

... reviens et prends-moi quand la mémoire se réveille [...] à l'heure où les lèvres et la peau se souviennent.

Et j'ai bu du vin fort, comme en boivent ceux qui s'adonnent bravement au plaisir.

Il enveloppe soigneusement, avec ordre, dans de la précieuse soie verte, les violettes d'améthyse, les roses de rubis, les lys de perles, beaux, parfaits, tel qu'il les veut, les préfère, et les juge bons, et non tel qu'il les as vus et observés dans la nature.

... m'arrêter ici, et me figurer que je vois ce paysage, et non pas seulement mes illusions, mes souvenirs, mes voluptueux fantasmes...

J'ai plus besoin de contempler que de m'exprimer. L'art me repose une fois de plus des fatigues de l'art.

Il marche sans but dans la rue, comme hypnotisé par le plaisir défendu - le plaisir défendu entre tous qu'il vient d'obtenir.

Tâche de capter, Poète, les visions que ta sensualité te suggère, même si tu n'en peux retenir qu'un petit nombre. Mets-les à demi cachées dans tes phrases ; tâche de t'en emparer, Poète, quand elles surgissent dans ton esprit la nuit ou dans l'éclat de midi.

De toute façon, cela ne pouvait durer. Toute mon expérience me l'enseigne. Mais le Sort vint tout terminer un peu trop vite.

J'ai regardé si fixement la beauté que mes yeux sont tout plein d'elle.

Il m'apparaît plus beau, maintenant que mon âme l'évoque hors du Passé.

Je comprends maintenant le sens des années de ma jeunesse, de ma vie voluptueuse.
Qu'ils étaient vains, mes remords, et inutiles...
Mais, jadis, le sens de tout cela m'échappait.
Dans les débauches de ma jeunesse, le sens de ma poésie s'affirma, les contours de mon art se sont dessinés.
C'est pourquoi mes remords ne m'ont jamais arrêté longtemps. Et mes projets de réforme duraient deux semaines, tout au plus.

Constantin Cavafy, Poèmes (extraits), 1911-1933

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