jeudi 18 juin 2009

Hommage à Louis-Ferdinand Céline

En quelques mois ça change une chambre, même quand on n'y bouge rien. Si vieilles, si déchues qu'elles soient, les choses, elles trouvent encore, on ne sait où, la force de vieillir. Tout avait changé déjà autour de nous. Pas les objets de place, bien sûr, mais les choses elles-mêmes, en profondeur. Elles sont autres quand on les retrouve les choses, elles possédent, on dirait, plus de force pour aller en nous plus tristement, plus profondément encore, plus doucement qu'autrefois, se fondre dans cet espèce de mort qui se fait lentement en nous, gentiment, jour à jour, lâchement devant laquelle chaque jour on s'entraîne à se défendre un peu moins que la veille. D'une fois à l'autre, on la voit s'attendrir, se rider en nous-mêmes la vie et les êtres et les choses avec, qu'on avait quittées banales, précieuses, redoutables parfois. La peur d'en finir a marqué tout cela des ses rides pendant qu'on trottait par la ville après son plaisir ou son pain.

Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit, 1932.

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