mercredi 20 janvier 2010

Hommage à Pierre Drieu La Rochelle

Je n'aime que Stendhal, parce que Stendhal c'est Racine.
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Paris finit dans le grotesque de cette fin de siècle. Le surréalisme forme le dernier chapitre de la littérature française.
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L'exemple des vrais maîtres : Nerval et Baudelaire, Stendhal et Nietzsche.
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Je ne m'intéresse qu'à la peinture, aux maisons et aux jardins de Paris, aux livres, à la politique mondiale, au corps des femmes, aux religions primitives.
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Une belle carrière de martyr s'offrait à moi, si j'avais pris parti contre la guerre. Mais un martyr c'est un personnage officiel. Et puis, je ne suis pas contre la guerre.
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Ah que n'ai-je hurlé plus fort, que ne leur ai-je mieux craché mon désespoir, mon mépris, ma haine. Mais je portais dans mon ventre leur pourriture.
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J'aurai passé la moitié de ma vie, vautré sur mon divan à lire. Et pourquoi pas ?
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Je trouve la politique beaucoup moins drôle depuis que je passe dans la catégorie des vaincus.
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Devrais-je bientôt me suicider ? Je voudrais éviter d'être bêtement étripaillé par une émeute de concierge.
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Quelle horreur que la grandeur ?
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J'ai rêvé que je chiais devant un de mes ennemis.
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Pourquoi étais-je contre le communisme ? Un vieil instinct plus fort que tout, non pas bourgeois mais plus ancien, qui remonte au Moyen-Âge, un instinct d'écuyer attaché à une constante réactionnaire de vieille noblesse -un instinct catholique, antimatérialiste, antirationnaliste -l'horreur du puritanisme sociologique- enfin toutes choses que mon intelligence voit mais ne peut dominer. Et pourquoi les dominerait-elle ? Je me suis livré avec volupté à ce courant en moi. J'ai en vain essayé de devenir communiste. Et pourtant je déteste la bourgeoisie ; je déteste en réalité toute les classes, étant déclassé. Et pourtant l'instinct de classe est plus fort que tout. Mais en mourant toutefois je jouirai entièrement de l'idée que la bourgeoisie va crever. Mon rêve de fasciste était de dépasser et de rabaisser la bourgeoisie et le prolétariat, d'anéantir leurs valeurs.
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Je n'ai été un essayiste audacieux que parce que j'ai été un romancier timide.
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Je n'aime que les aventuriers et les chevaliers.
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Autrefois, j'avais les femmes et l'alcool pour m'abrutir, il me reste à peine le tabac.
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Je suis déjà ailleurs.
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Que d'homme j'ai connu, moi qui ne les recherche pas.
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La vérole a beaucoup creuser ma mélancolie pendant quelques années, mais j'étais infiniment mélancolique avant.
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J'ai rêvé d'avoir du génie [...] mais ce n'était qu'un rêve pour m'amuser.
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Je m'incline devant les êtres, je renonce à les pénétrer, à les transformer.
[...]
Il faut de moins en moins écrire, et bientôt ne plus écrire du tout. L'écriture est contraire à la méditation.


Pierre Drieu La Rochelle, Journal, 1939-1945

3 commentaires:

  1. Impressionnant ! Des allures Célino-Picabiennes teintées d'une clairvoyance digne de Cioran... J'aime beaucoup, à approfondir!

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  2. Très intéressant. Il est actuel, non? Faudra si mettre aussi.

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  3. Je viens de chercher un peu sur lui, il semble le genre d'auteur introuvable en terres étrangères.
    D'ailleurs, sans qu'il y est aucune connection, j'ai récenment lu "Deux augures" de Villiers de l'Isle-Adam (par récomendation de M.Nabe dans son livre Rideau) et je l'ai trouver franchement intéressant. Sa donne une idée très précise de l'actualité littéraire de nos jours à la fin du XIXª siècle.

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