samedi 24 janvier 2009

Troisiéme lettre à Bioux Amis

Cher Bioux Amis,


Oublie ta jeunesse.
Je t'écris de mon vélo et je n'aime pas le vent. Je comprend qu'être unique ne suffit pas quand une moto se glisse à ma droite. Bioux, je n'ai pas de vélo mais j'ai fait un rêve, un rêve sans images, un rêve de paroles, une voix rauque et fatiguée, pleine de fumée, voici ces mots :

" Dans le wagon des jeunes gens que l'on aime mirer comme pour, seulement pour se rassurer d'être soi, un soi conscient mais flottant. C'est là entre quelques brouhahas flous et fous, entre deux sièges de première classe, au milieu des fumées de clopes roulées par réflexe et fumées comme telles. C'est là que tu la vois pour la première fois et tu sais déjà quelque chose d'elle : elle est dans le même train et, par le hasard des astres ennuyés du vide, dans le même wagon. Tu remarques l'expression de son bonheur tangible, elle sourit comme elle fronce des sourcils tranchants puis saignants. Tu sens sa douleur à travers son regard, la haine qu'elle transmet au grès d'elle et seulement elle. Tu lui parles et parfois elle te répond, jamais ce que tu veux. En l'espace de syllabes douteuses à l'agencement d'une mémoire qui ne compte plus, tu effaces tes souvenirs pour naître devant elle. Elle t'emprisonne sous ses cheveux noirs. C'est tout son art et tu le sais, que tant qu'à ses pieds elle est prison de fer, mais qu'à ses lèvres c'est liberté qui chante, et pas la Marseillaise, non à ses lèvres c'est Melody Nelson qui frotte ses ongles de velours sur un tableau en plume. Tu goutes à ses lèvres, tu goutes et seulement. Tu ne sais plus si tu es encore dans le train, tu ne sais pas si tu y a déjà été, si ce train n'était pas ta métaphore, ton excuse pour la voir, elle et seulement elle. Tu te ballades pour penser à elle sur le béton que respire tant, tu te ballades mais elle ne pense pas à toi. Elle te sait, elle se suffit de cela, et tu jalouses sa véracité brune. Brune, elle est la seule brune au monde. Tu te fous de l'aimer, elle est ta passion. Tu veux juste dormir à ses cotés, mais elle s'en fout tellement, tellement. Elle te sait, elle se suffit de cela. Alors, tu prends ton siège à tort et à travers et l'installe face au sien, celui qu'elle ne quitte jamais. Tu la regardes dans les yeux et lui dis tout par l'iris. Elle s'en fout, elle te sait. Tu attends, tu attends qu'elle t'embrasse. Elle s'en fout, tu le sais. Tu t'en fous, tu attends. Ho ! tu as raison, le voyage est long et il n'y a qu'elle, le train est lent, les vitres opaques, et tu n'as pas composté ton billet. Tu choisis ton sort. Embrasse-le petite, il crève. Tu le sais, tu t'en fous. Où es-tu ? "

Es ce toi Bioux qui me parle ?
Je pense à Gaïa, mais pas à ses fils,
Joseph.K

Post Scriptum : Merci de m'avoir parlé de Faustine.



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