lundi 1 novembre 2010

Hommage à Pier Paolo Pasolini

Il faut inventer de nouvelles techniques, impossibles à reconnaître, qui ne ressemblent à aucune opération existante, pour éviter la puérilité du monde, se construire un monde propre sans confrontation possible pour lequel il n'existe pas de mesures de jugement qui doivent être nouvelles comme les techniques. Nul ne doit comprendre qu'un auteur de vaut rien, qu'il est anormal, inférieur, que comme un ver, il se tord et s'étire pour survivre. Nul ne doit le prendre en pêché d'ingénuité. Tout doit paraître parfait, fondé sur des règles inconnues, donc non mise en doute. Comme un fou, oui, comme un fou. Verre sur verre, car je ne sais rien corriger, et nul ne doit s'en apercevoir. Un signe sur un verre corrige sans le salir un signe peint auparavant sur un autre verre. Il ne faut pas qu'on croie à l'acte d'un incapable, d'un impuissant. Ce choix doit paraître sûr, solide, élevé et presque prépondérant. Nul ne doit se douter qu'un signe est réussi "par hasard". "Par hasard", c'est horrible. Lorsqu'un signe est réussi, par miracle, il faut immédiatement le garder, le conserver. Personne ne doit s'en apercevoir. L'auteur est un idiot frissonnant, aussi mesquin que médiocre. Il vit dans le hasard et dans le risque, déshonoré comme un enfant. Sa vie se réduit à la mélancolie et au ridicule d'un être qui survit dans l'impression d'avoir perdu quelque chose pour toujours.

Pier Paolo Pasolini, Théorème, 1968

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